Vous n’avez pas payé votre facture de téléphone ou votre loyer, vous avez interrompu le remboursement de votre crédit, vous refusez de payer une facture… Autant de cas dans lesquels votre créancier peut vous réclamer de l’argent.
En quoi consiste le recouvrement amiable ? Qui peut vous mettre en demeure ? Quelles sont les méthodes de recouvrement utilisées ? Quels sont vos recours ?
Le recouvrement de créances consiste pour la personne à qui vous devez de l’argent – le créancier (opérateurs de téléphonie, commerçants, bailleurs, prêteurs…) – à utiliser tous les moyens légaux, amiables ou judiciaires, pour obtenir de vous – le débiteur – le paiement d’une somme d’argent – la créance.
Lorsqu’un créancier n’arrive pas à se faire rembourser sa créance, il engage souvent, dans un premier temps, un recouvrement amiable afin d’obtenir un paiement volontaire. Il utilise ses propres moyens (service recouvrement, contentieux…) ou mandate un tiers [société de recouvrement ou commissaire de justice (anciennement huissier de justice et commissaire-priseur judiciaire)].
Le créancier dispose de différents moyens légaux pour recouvrer sa créance :
Si les tentatives restent infructueuses et que vous ne payez pas, il peut s’orienter vers des mesures conservatoires (par exemple, une inscription provisoire d’une sûreté (gage, hypothèque…), une procédure de saisie conservatoire… ou un recouvrement judiciaire. Il s’agit, dans ce dernier cas, d’une action en justice dont le but est d’obtenir un jugement vous condamnant à rembourser votre dette.
Le créancier peut recouvrer sa créance de plusieurs façons : soit directement par l’intermédiaire de son service contentieux, soit en mandatant un tiers (société de recouvrement, commissaire de justice) qui se chargera de vous réclamer la somme due.
Le créancier gère lui-même ses impayés par l’intermédiaire de son service contentieux. Celui-ci contacte le client par téléphone ou envoie une lettre de mise en demeure (article 1344 du code civil).
Les créanciers (opérateurs de téléphonie, commerçants, sociétés de crédit…) mandatent fréquemment des professionnels du recouvrement pour récupérer les sommes qui leur sont dues. Ce sont des sociétés commerciales, indépendantes ou filiales de sociétés de crédit, et qui sont souvent rémunérées à la commission.
Les sociétés de recouvrement sont régies par l’article R. 124-1 du code des procédures civiles d’exécution et doivent remplir certaines conditions.
Elles sont ainsi tenues (article R. 124-2 du code des procédures civiles d’exécution) :
Ces sociétés de recouvrement doivent établir une déclaration écrite justifiant des conditions requises, remise ou adressée, au procureur de la République, avant tout exercice de l’activité. Elles sont soumises au contrôle du procureur de la République, qui peut procéder à tout moment à des vérifications.
Si la société de recouvrement agit pour le compte d’autrui, elle doit respecter ces règles. Si elle agit en recouvrement suite à une cession de créance, elle ne l’est pas mais doit faire apparaître la notification de la cession dans le courrier.
Pour pouvoir recouvrer les créances, ces sociétés doivent conclure une convention écrite avec le créancier. Celle-ci doit notamment préciser (article R. 124-3 du code des procédures civiles d’exécution) :
Le commissaire de justice peut également intervenir en matière de recouvrement amiable. Il présentera une « sommation de payer » valant mise en demeure. Son activité est réglementée par ses statuts, que le recouvrement soit amiable ou judiciaire. Dans le cas d’un recouvrement amiable, il dispose des mêmes prérogatives qu’un organisme de recouvrement.
Pour obtenir le remboursement des dettes, les sociétés de recouvrement ou commissaires de justice utilisent différents moyens (courrier, téléphone, visite…). Ces méthodes, lorsqu’elles sont utilisées de manière répétitive et intempestive, peuvent conduire à des dérapages et des abus qui peuvent être sanctionnés.
Les sociétés de recouvrement et les commissaires de justice envoient des lettres de relance en courrier simple ou en lettre recommandée avec avis de réception ou par voie électronique.
La personne chargée du recouvrement doit vous adresser une lettre de mise en demeure devant obligatoirement comporter les mentions suivantes (article R. 124-4 du code des procédures civiles d’exécution) :
« Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire.
Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l’exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi ».
Le non-respect de ces obligations est sanctionné d’une contravention de cinquième classe, c’est-à-dire d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 € (articles R. 124-7 du code des procédures civiles d’exécution et 131-13 du code pénal).
A partir de cette mise en demeure, vous êtes considéré comme « officiellement en retard », et des dommages et intérêts au taux d’intérêt légal pourront éventuellement vous être demandés par le créancier (article 1231-6 du code civil).
La mise en demeure n’est pas nécessairement faite par lettre recommandée avec avis de réception, elle peut être faite par lettre simple. Ne négligez pas les courriers reçus.
Les sociétés de recouvrement ou les commissaires de justice peuvent vous relancer par téléphone, ou se déplacer à votre domicile.
Il faut savoir que, dans la phase amiable, ces personnes n’ont pas le droit de pénétrer chez vous sans votre accord.
Il arrive souvent que les sociétés de recouvrement ou les commissaires de justice utilisent des termes juridiques ou menaçants, comme par exemple « sommation extrajudiciaire » ou « mise en demeure avant poursuites », « saisie de rémunération », « saisie immobilière », « saisie du véhicule », « issue désagréable ». Ne vous laissez pas abuser par ces termes !
En effet, les sociétés de recouvrement ou les commissaires de justice sont de simples mandataires du créancier et ne peuvent pas prétendre saisir vos biens à ce stade.
Si les sociétés de recouvrement présentent leurs courriers comme des courriers de commissaires de justice agissant en tant qu’officiers de justice (papier bleu…), cela peut créer une confusion dans l’esprit des débiteurs.
Cette pratique est illégale et sanctionnée par l’article 433-13 du code pénal par un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
La méprise est encore plus forte lorsque le commissaire de justice intervient en recouvrement amiable de créance. En effet, à ce titre, il bénéficie des mêmes pouvoirs qu’une société de recouvrement alors que le débiteur pense qu’en tant que commissaire de justice (officier ministériel), il a plus de prérogatives.
Les sociétés de recouvrement et les commissaires de justice exercent parfois des pressions, des menaces voire des harcèlements en téléphonant notamment à la famille, aux voisins, aux amis ou à l’employeur, ou en se rendant au domicile ou sur le lieu de travail du débiteur.
L’article 9 du code civil énonce que « chacun a droit au respect de sa vie privée« . Les juges peuvent condamner une telle atteinte à l’intimité de la vie privée (voir Cass. civ. 1, 19 décembre 1995, 93-18.939).
Pour remédier aux dérapages de certaines sociétés de recouvrement, l’Association des sociétés financières (ASF) et des associations de consommateurs ont signé un accord en 2006 (entré en vigueur le 16 janvier 2007) pour faire cesser ce genre de pratiques et assainir cette activité. Cet accord est actuellement en cours d’actualisation.
Vous pouvez également saisir les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) si la réglementation n’a pas été respectée par la société. Pour un traitement plus rapide de la demande, il convient de contacter la DDPP où se trouve le siège de la société concernée par le litige.
Vous pouvez aussi effectuer un signalement sur la plateforme SignalConso créée par la DGCCRF.
Vous pouvez aussi saisir un des médiateurs qui traite du recouvrement de créances : par exemple, la FIGEC dispose d’un médiateur pour ses membres, mais aussi le médiateur de l’ASF pour ses adhérents ou l’un des médiateurs de la consommation qui traitent du recouvrement de créances.
Les coordonnées du médiateur de la consommation désigné par la société de recouvrement doivent figurer sur son site web. Elles doivent également être mentionnées sur le courrier de refus de votre réclamation.
Ne vous laissez pas impressionner. Le créancier ne peut faire procéder à la vente des biens saisis que s’il a obtenu un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision de justice ou un acte notarié imposant le paiement d’une dette.
A la réception d’une lettre de mise en demeure, lisez attentivement les termes de ce courrier.
1 – Vérifiez la provenance du document, l’identité du créancier, le détail de la somme réclamée et en vertu de quel titre ou acte il agit. Ces informations doivent obligatoirement figurer par écrit. Demandez-vous si vous devez de l’argent à cette personne.
2 – Pour qu’une créance soit recouvrable, vous devez vérifier que la créance réclamée est « certaine, liquide et exigible« , c’est-à-dire justifiée.
3 – Vérifiez aussi que la créance n’est pas prescrite, c’est-à-dire que le délai pour agir en justice est dépassé, ou éteinte c’est-à-dire trop ancienne pour être réclamée.
Les délais de prescription sont variables selon la nature des créances.
4 – Vérifiez enfin que la somme réclamée correspond au montant principal de la dette, avec ses éventuels intérêts et accessoires. Le créancier doit payer personnellement les frais engagés pour le recouvrement.
Dans tous les cas, ne soyez pas impressionné par les termes menaçants utilisés dans le courrier. En effet, dans le cadre d’un recouvrement amiable, en l’absence de titre exécutoire, les professionnels n’ont aucun pouvoir pour pratiquer une saisie. Par contre, si le créancier ou la société de recouvrement vous présente un titre exécutoire, vous serez tenu de régler votre dette.
Deux cas se présentent :
Cas 1 : Si vous ne devez pas la somme réclamée ou si la dette est prescrite
Il faut informer la société de recouvrement ou le commissaire de justice que vous contestez cette dette sur le fond, à savoir que vous ne devez pas d’argent au créancier qui vous en réclame.
Puis contactez directement le créancier en lui envoyant une lettre en recommandé avec avis de réception dans laquelle vous lui expliquez votre désaccord.
Si la dette est prescrite ou forclose, adressez une lettre à votre créancier ainsi qu’à la société de recouvrement en rappelant que la dette est éteinte.
Cas 2 : Si vous devez la somme réclamée
Si vous pouvez payer, envoyez votre règlement directement à la société de recouvrement ou au commissaire de justice par lettre recommandée avec avis de réception et adressez-en une copie à votre créancier.
Même si le paiement vous est demandé par une société de recouvrement amiable ou un commissaire de justice, vous pouvez toujours vous adresser directement au créancier et lui envoyer le paiement.
Si vous ne pouvez pas payer en une seule fois, demandez directement au créancier un étalement de la dette. Demandez-lui de formaliser son accord par écrit, et gardez-en une copie.
Si vous ne pouvez pas payer votre dette, même en plusieurs fois, n’hésitez pas à déposer un dossier auprès de la commission de surendettement de votre département.
Vous ne devez payer que le montant de la dette principale, avec éventuellement les intérêts de retard (moratoires) qui courent à compter de la mise en demeure ou les pénalités de retard.
Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier (article L. 111-8 al 2 du code des procédures civiles d’exécution). Cela englobe les frais de dossier, de recouvrement ou de correspondance.
L’article L. 121-21 du code de la consommation dispose que « le fait pour un professionnel de solliciter ou de percevoir d’un consommateur des frais de recouvrement dans des conditions contraires au deuxième alinéa de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution est interdit « .
Cette infraction est sanctionnée par un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros (article L. 132-23 du code de la consommation).
Dans le cas d’un recouvrement amiable, le commissaire de justice est soumis aux mêmes règles qu’une société de recouvrement. S’il vous apporte une « sommation de payer », vous n’avez, en dehors de la dette, aucuns frais à payer. C’est au créancier que revient le paiement de ces frais (et notamment la rémunération du commissaire de justice).
Attention : le créancier peut demander les frais qui « concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Par exemple, si cela concerne le commandement de payer d’un loyer ou d’une prime d’assurance.
Pour tout paiement effectué, la société de recouvrement ou le commissaire de justice doit vous remettre une quittance détaillant la somme perçue.
La société de recouvrement ou le commissaire de justice doit informer le créancier du paiement, même partiel, de votre part, et de toute proposition ou demande de votre part pour acquitter votre dette.
Les fonds reçus par la société de recouvrement doivent être reversés au créancier dans le délai d’un mois à compter de l’encaissement effectif, sauf convention contraire.
Les sommes reçues par un commissaire de justice doivent être reversées au créancier dans un délai maximum de trois semaines si le paiement est effectué en espèces, de six semaines dans les autres cas (article R. 444-56 du code de commerce).
En cas de difficultés financières, n’attendez pas que votre situation s’aggrave : anticipez !
Plusieurs possibilités s’offrent à vous.
1 – Contactez votre créancier pour obtenir des délais de paiement, de préférence par lettre recommandée avec avis de réception. En cas d’échec, vous pouvez vous adresser à son supérieur hiérarchique.
Si vous avez des difficultés pour rembourser un crédit à la consommation, vous pouvez demander à l’établissement de crédit de vous accorder des délais de paiement dans le cadre d’une négociation amiable. Cela allongera la durée de remboursement du crédit et augmentera le coût total. L’établissement de crédit n’est pas tenu d’accepter votre demande. S’il accepte, il peut vous réclamer une indemnité (qui ne peut pas dépasser 4 % des échéances reportées).
2 – Si vous ne parvenez pas à trouver un accord et que vous recevez une assignation à comparaître devant le tribunal, une ordonnance d’injonction de payer signifiée par commissaire de justice ou un commandement de payer vos loyers délivré par commissaire de justice, vous pouvez vous adresser au juge pour obtenir des délais de paiement (article 1343-5 du code civil). Les délais éventuellement accordés ne peuvent pas dépasser deux ans.
Pour les dettes de crédit à la consommation et immobilier, vous pouvez saisir directement le tribunal judiciaire du lieu où réside le créancier (articles R. 312-35 et R. 313-33 du code de la consommation) par requête.
3 – Si votre situation financière s’est profondément aggravée et que vous ne pouvez plus faire face à vos échéances de remboursement, vous pouvez saisir la commission de surendettement qui siège à la succursale de la Banque de France de votre département directement en ligne via le formulaire ou en utilisant le modèle de lettre de l’INC « A la suite de difficultés financières, vous déposez un dossier auprès de la Commission de surendettement ». Vous pouvez tenter d’obtenir un rééchelonnement de vos dettes et éviter la saisie de vos biens mobiliers ou immobiliers.
Source : Institut National de la Consommation