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La Cour de cassation apporte une solution unifiée à la prescription de l’action en garantie des vices cachés : elle doit être engagée dans les 2 ans à compter de la découverte du vice et dans les 20 ans à compter de la vente. C’est un délai de prescription qui peut être suspendu par une mesure d’instruction avant tout procès.

 

 

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Le vendeur est tenu de garantir l’acheteur contre les vices cachés (C. civ., art. 1641).

L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (C. civ., art. 1648, al.1er).

Toutefois deux questions se posent :

Les 1ère et 3e chambres civiles et la chambre commerciale de la Cour de cassation y ont longtemps apporté des solutions différentes. Une
chambre mixte composée de ces chambres a mis fin à ces divergences par 4 arrêts du 21 juillet 2023. Le délai pour agir en garantie des vices cachés est un délai de prescription qui peut être suspendu.

Dans une première affaire (arrêt n° 21-15.809), un producteur de produits alimentaires longue conservation s’approvisionnait en poches de
conditionnement stériles hermétiques chez un fournisseur. Des clients lui ont indiqué qu’un gonflement anormal des poches avait entraîné la
détérioration des produits achetés. Après expertise amiable diligentée par son assureur, le producteur a saisi une juridiction en référé aux fins de désignation d’un expert. A l’issue de l’expertise judiciaire, il a assigné son fournisseur et son assureur en réparation du préjudice subi.

Devant le juge, le fournisseur de poches hermétiques a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action en garantie initiée par le producteur. Il soutenait que le délai prévu à l’article 1648, alinéa 1er du code civil était un délai de forclusion qui ne pouvait être suspendu par une expertise présentée avant tout procès (C. civ., art. 2239, al. 1er). Selon lui, le délai pour agir avait continué à courir pendant la durée de l’expertise, de sorte que l’assignation au fond signifiée plus de 2 ans après la date de l’ordonnance ayant désigné l’expert était tardive. La cour d’appel a rejeté cette argumentation et fait droit aux demandes en réparation du producteur.

Saisie du pourvoi, la chambre mixte approuve la cour d’appel sur ce point. Elle relève que le législateur « n’a pas spécialement qualifié le délai imparti pour agir en garantie contre le vendeur en application de l’article 1641 du code civil » prévu au premier alinéa de l’article 1648 de ce code, même dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009.

A contrario, l’article 1648, dans son 2e alinéa précise que « dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents ».

Elle retient ensuite que la 3e chambre civile de la Cour de cassation jugeait que le délai pour exercer l’action en garantie des vices cachés de l’article 1641 du code civil était un délai de forclusion (Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 15-24.289 ; Cass. 3e civ., 5 janv. 2022, n° 20-22.670), alors que la première chambre civile et la chambre commerciale l’ont considéré comme un délai de prescription (Cass. 1re civ., 5 févr. 2020, n° 18-24.365 ; Cass. 1re civ., 25 nov. 2020, n° 19-10.824 ; Cass. 1re civ., 20 oct. 2021, n° 20-15.070 ; Cass. com., 28 juin 2017, n° 15-29.013).

Dans le silence du texte, la chambre mixte recherche la volonté du législateur. L’analyse de travaux parlementaires ainsi que l’objectif « de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d’une réparation en nature, d’une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d’un vice caché », ce qui implique que l’acheteur « doit être en mesure d’agir contre le vendeur dans un délai susceptible d’interruption et de suspension », la conduisent à juger que le délai biennal de l’article 1648 du code civil est bien un délai de prescription.

La chambre mixte en déduit que le délai pour agir en garantie des vices rédhibitoires peut être interrompu par une assignation en référé (C. civ., art. 2241) et qu’il est suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (C. civ., art. 2239). Il ne recommence à courir qu’à compter du jour où la mesure a été exécutée, en l’espèce, le jour de la remise du rapport de l’expert.

Comme le rappelle la Cour de cassation, la prescription « est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps » (C. civ., art. 2219), qui peut être suspendu, c’est-à-dire que son cours est arrêté sans effacer le délai déjà couru (C. civ., art 2230).

Le délai de forclusion est « un délai légal, d’une durée simple et limitée, prévu spécifiquement pour une action particulière » Une fois ce délai écoulé, « l’action qu’il concerne s’éteint ». Il peut en revanche être interrompu par une action en justice (C. civ., art. 2241), une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcée (C. civ., art. 2244) ; l’interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (C. civ., art. 2231).

 

 

Source : https://open.lefebvre-dalloz.fr/actualites/droit-affaires/prescription-action-garantie-vices-caches-unification-jurisprudence_f38731f97-540a-406a-a5fa2195b924296f

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